Page:Marquiset,À travers ma vie,1904.djvu/74

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maîtresse à votre aise, sans lui consacrer encore la nuit.

— « Je vous assure, mon colonel, que je ne puis pas me dispenser d’aller passer la nuit avec elle, cinq ou six fois par semaine.

— « Morbleu, me dit Duchâtel à mi-voix en se tournant de mon côté, six nuits ! Si je pouvais être obligé de découcher une fois par semaine, je me trouverais bien heureux.... »

Les jours de punition de l’élégant maréchal des logis furent levés à ma prière, sur la promesse qu’il fit de ne plus retomber dans le même péché ; mais on manque plutôt de parole à son colonel qu’à sa maîtresse.

Nous étions tous encore bien enfants, en cette année 1811, et quoique ayant eu un moment la prétention de devenir marin, je ne donnais pas précisément l’exemple de la raison ; je ne faisais pas le jeune homme, ce qui était fort méritoire à une époque où chaque gamin, dès qu’il atteignait sa quinzième année, affectait de se tordre une moustache future, et de prendre des airs de hussard. Le vrai mérite consiste à être de son âge, et on va voir que nous en étions.

Un vieil ami de la maison nous avait fait cadeau de deux jolies petites pièces d’artillerie, du modèle des plus belles pièces coulées à Strasbourg, en l’honneur et gloire du roi Louis XIV. Ces pièces, qui avaient un pied et demi de longueur, étaient montées sur des affûts élégants, garnis de deux roues ouvragées, mais n’avaient pas d’avant-train.