Page:Marquiset,À travers ma vie,1904.djvu/83

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jectures à la réalité l’espace est bientôt franchi. Mes parents étaient royalistes ; nous autres gamins, élevés dans l’horreur de la Révolution, nous étions royalistes aussi, et les Bourbons revenus, on nous voyait déjà brillamment nantis d’une belle position. En attendant, mes classes étant finies, mon père me plaça dans le cabinet du maire de Besançon, M. le baron Daclin[1], l’un des plus anciens et plus fidèles amis de ma famille, pour commencer à me faire apprendre mon futur métier de préfet !

D’ailleurs, les parents qui ont fait eux-mêmes leur fortune par le labeur supportent difficilement que leurs enfants se reposent et fassent la belle jambe du matin au soir ; ils ont la religion et l’ambition du travail et ils veulent que leurs fils s’élèvent de l’échelon de fortune où ils les ont placés à l’échelon supérieur. D’un caractère impérieux, mon père ne souffrait jamais la moindre observation de la part d’aucun de nous. Ce qu’il disait, ce qu’il ordonnait, il fallait le faire à l’instant même sans souffler mot, quelque pénible que nous parût la mission. Cela s’explique ; engagé souvent dans des spéculations trop épineuses pour que ses enfants s’y intéressassent, il ne pouvait leur communiquer ce qui remplissait son esprit. À l’heure des

  1. Daclin (Antoine-Louis, baron), né à Besançon en mort dans cette ville en 1822. D’abord avocat, puis échevin de la ville, il fut nommé maire de Besançon le 28 juillet 1801, place qu’il occupa jusqu’en 1816, sauf pendant les Gent-Jours. Son nom s’est éteint en la personne de son petit-fils, le baron Daclin, conseiller à la cour de Besançon, mort sans postérité en 1887.