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la vie aux galères

Cour, avec ordre d’aller au plus tôt avec ses six galères à Ostende, pour en fortifier la garnison, cette ville étant menacée d’un siège. Nous partîmes sur le champ pour y aller, et avant vogué toute la nuit, le matin nous nous trouvâmes devant Nieupoort, à trois lieues d’Ostende. Nous aperçûmes sur la côte quantité de monde avec des charrettes et des chevaux chargés qui se sauvaient d’Ostende. Nous envoyâmes la chaloupe à la côte pour prendre langue avec de ces gens-là, qui rapportèrent que l’armée des alliés était en vue d’Ostende et que cette place serait certainement investie ce jour-là. Peu après, nous vîmes une armée navale extrêmement nombreuse, qui venait par notre nord, et forçait de voiles pour nous couper la base du banc de sable, qui est entre Ostende et Nieupoort, par où elle devait entrer dans la rade d’Ostende. Nous avions plus d’une heure d’avance et nous pouvions facilement entrer dans Ostende, avant que la flotte y fût arrivée. Mais notre commandant, considérant le péril extrême où nous serions dans ce port, qui n’est à couvert de l’armée de terre que d’un côté, joint à ce qu’il était facile à l’armée de mer de nous envoyer des brûlots, qui auraient pu nous être funestes, et que d’ailleurs les alliés, prenant la ville, prendraient aussi les galères, ce qui chagrinerait extrêmement le roi, tout considéré et ayant tenu conseil de guerre, il fut résolu de s’en retourner à Dunkerque, ce que nous fîmes au plus vite et à force de rames. Le chevalier de Langeron fut loué et récompensé de la Cour parce qu’il n’avait pas exécuté ses ordres, Ostende étant assiégé par mer et par terre et ayant été obligé de se rendre au bout de trois jours, non faute de garnison, mais pour en avoir trop, car le comte de la Motte, qui était près de là avec un camp volant de vingt-deux bataillons et quelques escadrons, se jeta avec toute sa troupe dans cette ville, ce qui fut une grande bévue, car les alliés, n’ayant attaqué cette place que par le feu de bombes, boulets rouges et carcasses, et tant de monde les uns sur les autres dans cette petite ville ne pouvant s’y remuer, ni se mettre à couvert de ces machines infernales, qui leur pleuvaient sur le corps, ils furent