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les galères de dunkerque

obligés de se rendre, à condition qu’ils sortiraient le bâton à la main et qu’ils ne serviraient d’un an[1].

Pendant les trois jours qu’on bombardait cette ville, nous allions, la nuit, sans feu ni lumière, nous fourrer avec nos six galères parmi la flotte des alliés, pour tâcher d’enlever quelque navire de transport ou galiote à bombe, mais il n’y eut pas moyen d’y réussir. Nous n’eûmes que le plaisir de voir le plus beau feu qu’on ait jamais vu. Il ne nous restait plus de retraite que le port de Dunkerque. Aussi y passâmes-nous tout l’été, n’osant en sortir que par un temps calme, ou avec le vent d’est, nord ou nord-est ; car si le vent d’ouest ou sud-ouest nous eût pris en mer, nous n’eussions su où courir, si nous avions été sous le vent de Dunkerque, ce qui nous procura un peu de repos, ne faisant rien dans ce port.

L’année suivante 1707, nous eûmes beaucoup de fatigues à essuyer, à cause que le vent d’est régna beaucoup, car pour lors nous allions patrouiller toute la Manche. Nous y prîmes un petit capre[2] anglais, et en brûlâmes un d’Ostende à la côte d’Angleterre. Nous fûmes un jour dans un très grand péril de périr avec deux galères. Étant dans le port de Dunkerque par le plus beau temps du monde, sans qu’il parût aucun nuage, M. de Langeron, qui était impatient d’aller visiter la côte d’Angleterre, appela tous ses pilotes hauturiers[3] et ceux des côtes, pour leur demander leurs avis sur le temps et s’il y avait apparence qu’il changeât bientôt. Ils furent tous d’accord que le vent du nord-est nous promettait un temps certain. Nous avions à bord de notre galère un pilote côtier, qui était un pêcheur de Dunkerque, nommé Pieter Bart. Il était propre frère du

  1. Le comte de La Motte, qui commandait les troupes françaises. avait été refoulé sur Ostende par le comte de Spor. Assiégé dans la place par 25 000 hommes de troupes de terre aux ordres du général Ouwerkerke et par une flotte commandée par l’amiral Fairburn, il dut se rendre après un bombardement qui avait ruiné la ville. (J. N. Pasquini. Histoire de la ville d’Ostende, 195-199.)
  2. Petit vaisseau corsaire.
  3. Pilotes qui guident les navires en haute mer, d’après l’observation des nuages.