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la vie aux galères

chose… Cependant, continua-t-il, Monseigneur l’évêque doit dégager sa parole avec M. le procureur général du Parlement, et il m’a ordonné de lui aller faire compliment de sa part et de lui offrir de vous remettre dans les prisons du Parlement. » À ces mots, nous pâlîmes de crainte de retourner dans cette affreuse prison, où nous avions tant pâti. Il s’en aperçut. « Je vois, dit-il, que vous craignez d’y retourner. Si vous souhaitez, je prierai ce seigneur de vous laisser ici, et que, lorsque le Parlement voudra faire la revision de votre procès, il ne vous fasse pas transférer dans sa prison et je vous viendrai dire sa réponse aujourd’hui même. » Nous lui témoignâmes que nous lui serions bien obligés de ce bon office, car nous craignions la prison du Parlement comme le feu. Il s’en fut, et le même jour, il vint nous dire que nous n’avions qu’à nous tranquilliser, qu’on ne nous transférerait plus. Nous le remerciâmes de sa grande bonté pour nous et je le vis même répandre quelques larmes.

Quelques jours après, un conseiller du Parlement vint nous voir dans notre prison et nous dit que nous lui étions fortement recommandés et qu’il voudrait bien voir quelque jour à nous tirer d’affaire. Nous ne pouvions nous imaginer d’où nous venait cette recommandation, à moins que nos parents, à qui nous avions écrit, depuis que nous étions au Beffroi, ne l’eussent fait faire par quelques personnes de considération de leurs amis. Cependant, n’ayant aucune nouvelle de nos parents qui nous donnât avis de cette recommandation, et aucun des réformés de Tournai, qui nous venaient voir souvent, ne nous ayant fait connaître qu’elle venait par leur canal, nous ne pouvions jeter notre soupçon que sur notre bon ami le grand vicaire, qui nous avait assurés, d’une manière qui nous paraissait très sincère, qu’il désirait ardemment nous voir libres. Quoi qu’il en soit, ce conseiller resta une bonne heure avec nous, et nous interrogea sur notre route, en quel endroit nous avions été arrêtés, et de quelle manière. Nous le satisfîmes sur tous ces points. Il nous fit redire l’événement de Couvin, et il nous demanda si nous pourrions bien prouver que