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la vie aux galères

Dunkerque quatre demi-galères pour les envoyer à Anvers naviguer sur la rivière de l’Escaut. Ces demi-galères étaient parfaitement proportionnées, et de même fabrique que les grandes. Les rames avaient vingt-cinq pieds de long et trois hommes par banc pour les ramer. On n’y voulait mettre que des mariniers de rame, gens fort expérimentés dans cet exercice, mais tous libres, car on ne voulait pas risquer d’y mettre des gens de chaîne qui auraient eu la facilité de se sauver à cause de la proximité des frontières de l’ennemi, et par la crainte aussi de quelque révolte dans les occasions des fréquents combats qu’on se proposait avec ces demi-galères. On les arma donc à Dunkerque pour aller de là à Ostende par mer, et de là, par le canal de Bruges, jusqu’à Gand où passe l’Escaut. Quand il fut question de mettre en mer, ce ne fut qu’avec beaucoup de peine qu’on put mener ces quatre demi-galères avec ces rameurs libres jusqu’à la rade de Dunkerque. Le commandant fut d’obligation d’écrire au ministre l’impossibilité qu’il y avait de naviguer sans chiourme esclave. Sur quoi le ministre donna ordre de mettre un vogue-avant esclave dans chaque banc, qui ramerait avec deux hommes libres ; ce qui fut fait, et pour lors on conduisit ces bâtiments à Ostende par mer, quoique avec grand peine par la raison que le comite n’osait pas exercer ses cruautés sur les gens libres. Ce qui confirme ce que je viens de dire qu’on ne pourrait jamais naviguer les galères sans chiourme d’esclaves, sur lesquels les comites puissent exercer impunément leur impitoyable cruauté, car il est à remarquer que, lorsqu’il manque un comite sur une galère, et que le capitaine en cherche un, il ne s’informe, par rapport à ceux qui se présentent pour l’être, d’aucune autre capacité que celle d’être brutal et impitoyable. S’il se trouve avoir ces qualités au suprême degré, c’est alors le meilleur comite de France. M. de Langeron, notre capitaine, ne les nommait guère que par le nom de bourreaux, et lorsqu’il voulait donner quelques ordres qui les regardaient : « Holà ! disait-il, qu’on m’appelle le premier bourreau », parlant du premier comite, et