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la vie aux galères

d’autres de fer. Ces traverses sont soutenues par quatre pivots, deux fichés dans un banc, et deux dans le banc prochain. Cette table, ainsi posée sur ces deux traverses, se trouve élevée au-dessus des bancs d’environ trois pieds. Les officiers ont de bons matelas de laine et de crin qu’on serre le jour dans le fond de cale. On dresse ces matelas sur ces tables, chacun à sa place. On y met un coussin ou traversin, qui est appuyé par une têtière de bois, ensuite les draps et couverture du lit. Puis, on l’entoure d’un pavillon de toile de coton très forte, la pointe duquel s’attache au haut de la tente à une corde et poulie destinées à cet usage. Ce pavillon ainsi élevé, sa pointe en haut, son bas, qui est fort ample, entoure le lit à l’égal du meilleur lit d’ange[1], et tous ces lits, avec leur pavillon à bandes bleues et blanches, et ainsi dressés de chaque côté du coursier, qui forme comme la rue ou le chemin, sont une assez belle perspective d’un bout à l’autre de la galère, qui est toujours bien illuminée par divers falots, qui pendent à la tente depuis la poupe jusqu’à la proue. Tout ce dressement de lit se fait en un instant. Après quoi, l’on ordonne la couchée à la chiourme par un coup de sifflet. Les officiers et équipages se couchent quand ils veulent, mais dès qu’on a ordonné à la chiourme de se coucher, pas un ne peut se tenir debout, ni parler, ni remuer le moins du monde ; et si quelqu’un de ladite chiourme est obligé d’aller à l’aposti, au bord de la galère, pour y faire les nécessités naturelles, il est obligé de crier « à la bande » ; et il n’y peut y aller que l’argousin ou pertuisanier, préposé à la garde de la chiourme, ne lui ait donné la permission par un cri de : « Va ! » si bien que toute la nuit un silence profond règne sur la galère, comme s’il n’y avait personne. Les mariniers dressent un pavillon de chaque côté de la rambade qui se trouve en dehors de la grande tente et ils couchent tous sous ces pavillons à l’abri de la pluie et de la fraîcheur de la nuit. Les soldats s’accroupissent le mieux qu’ils peuvent sur la bande et les galériens dans

  1. Lit sans colonnes et à rideaux relevés.