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la vie aux galères

leur disait. On y trouve la boîte écrasée à coups de marteau et comme on ne voyait point d’huile répandue, on demande au Turc ce qu’il avait fait de l’huile qui était dans la boîte. « J’en ai graissé mes souliers, dit-il. Si j’avais eu de la salade, je l’en aurais garnie ; car j’ai goûté cette huile qui était très bonne. » Alors tous ces prêtres de crier : « À l’impiété ! au sacrilège, » et le Turc de rire et de se moquer d’eux. Cependant on lui fit déchausser ses souliers. Ce fut le curé lui-même qui le déchaussa, car quel autre que lui aurait osé porter ses mains profanes sur ces souliers sanctifiés par ces saintes huiles ? Ce fut enfin avec de grandes cérémonies et des battements de poitrine qu’on mit les souliers de Galafas, la boîte aplatie et toute la terre, qu’on jugea qui avait touché cette boîte, dans une nappe de l’autel, que quatre prêtres portaient tenant chacun un coin de la nappe, et chantant des hymnes d’affliction jusqu’à la grande église où le tout fut enterré sous l’autel. La baraque de Galafas fut démolie, et on en rendit la place hors d’aucun usage, en y amoncelant des pierres et des débris, comme un monument du sacrilège commis. On mit Galafas dans la galère, enchaîné de doubles chaînes et les menottes aux mains. Mais personne ne travaillait à son procès à cause d’un conflit de juridiction.

Le conseil de guerre des galères prétendait l’office et le clergé se le voulait approprier. Il y avait une autre raison pour laquelle le commandant ne pouvait livrer Galafas au pouvoir du clergé, qui est que la Cour avait réglé depuis maintes années qu’aucun tribunal de justice du royaume ne pourrait se saisir d’aucun forçat ou esclave des galères du roi, que préalablement un tel forçat ou esclave ne fût délivré, par une grâce du roi, du supplice des galères et que le forçat ou esclave n’eût de sa bonne et pure volonté accepté cette grâce, lui étant permis de l’accepter ou de la refuser et en ce dernier cas, il devait rester toute sa vie aux galères. Le clergé de Dunkerque, bien informé de ceci, sollicita la Cour pour obtenir cette grâce. À quoi il réussit facilement. Cependant, Galafas était enchaîné à double chaîne et s’attendait à passer fort mal son temps lorsqu’un