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une vaste enceinte de roches crénelées haute de 250 à 300 mètres, un sentier mène de Tournemire, le long duquel il n’y a rien à admirer que la vue étendue du signal de Cougouille (912 m.).

Sainte-Eulalie n’a gardé que quelques restes des remparts de sa célèbre commanderie fondée en 1158. À 4 kilomètres de Tournemire, le chemin de fer monte au seuil ou col des Poiriers (581 m.), pour redescendre dans le bassin de la Sorgues, le long du ruisseau de Lavadou. Les escarpements du Larzac continuent à se dresser à gauche, entre 250 et 350 mètres plus haut.

La station suivante, Saint-Jean-et-Saint-Paul (499 m.), est à 3 kilomètres au nord-est des ruines intéressantes (xiiie et xve siècles) de l’abbaye de femmes de Nonenque (fondée en 1248 ou en 1145), pittoresquement enfoncée dans un très profond ravin (446 m.).

De Nonenque, un agréable détour par la jolie vallée de la Sorgues et la route de Saint-Affrique au Vigan ferait regagner le chemin de fer à Montpaon-Fondamente, vieux château ruiné (939 hab. la comm., 780 aggl.). De là, magnifique excursion d’une journée à Cornus, la source de la Sorgues, l’avenc du Mas-Raynal et le Bois-Guilhomard.

Entre Montpaon et Cornus, la route s’élève d’environ 250 mètres sur la rive droite de la Sorgues.

Cornus est un chef-lieu de canton de 1,614 habitants (la comm., 715 aggl.), dont le juge de paix doit se trouver bien isolé du monde ; le village, qui fut baronnie au Moyen Âge, dans une niche du Larzac profonde d’environ 80 mètres, est un des plus pittoresques de la région : le mur du causse l’entoure de trois côtés, et une forte source rappelle celle de Burle. (V. p. 33.) Sa position mérite une visite ; de plus, on y déjeune bien.

Après l’escalade de la conque où repose Cornus, la route se subdivise : la principale branche, à travers le causse solitaire, ondule entre 700 et 800 mètres jusqu’à Sauclières (V. p. 193) ; l’autre bras rejoint à l’est, et près de la Pezade, la route de Millau à Lodève.

Avec la carte de l’état-major et le Guide Joanne, on trouve sans peine l’excellent chemin qui, de Cornus, descend en une heure à la fontaine de la Sorgues (630 m. d’alt.).

Derrière un moulin, parmi le plus luxuriant fouillis de verdure, elle jaillit du roc même, en vraie rivière, toujours froide ; car sous la surplombante falaise de 120 mètres de hauteur, et à travers les dômes épais des grands arbres, le soleil ne pénètre jamais, et l’ombre fraîche règne perpétuelle. Le Tarn lui-même n’a point d’aussi exquise fontaine sur ses rives. À Bramabiau, c’est la sauvagerie, le tumulte, l’étrangeté, le cataclysme. Ici, le poème champêtre, le murmure joyeux, la source classique, la nature simple, quoique grande ! Charmant vallon discret et calme, où plane la plus douce rêverie !

Virgile eût fait en ce lieu de bien beaux vers !

« J’ai vu à l’étiage les sources des deux Sorgues : l’une, illustre entre toutes, la fontaine de Vaucluse ; l’autre, inconnue ou à peu près, celle de la Sorgues du Larzac ; et j’avoue tout bas que je reviendrai à cette dernière plutôt qu’à la fontaine de Pétrarque. » (A. Lequeutre.)

Par-dessus l’admirable foux, un sentier monte raide au hameau du Mas-Raynal (746 m., au sud-ouest), à vingt minutes au sud duquel bâille le plus fameux avenc de tout le Larzac (753 m.). Entourée d’un petit chaos de roches où