Page:Martha - Le Poème de Lucrèce.djvu/22

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qu’à contempler un beau style décorant des idées fausses. Nous ne savons pas ainsi séparer la forme du fond et nous ne connaissons pas de beau vers qui ne soit en même temps un beau sentiment ou une belle pensée. Pour nous l’éclat poétique n’est que de la lumière condensée en éblouissante brièveté. Ce qui est mort, inanimé dans le livre, c’est le système, je veux dire un certain arrangement artificiel et peu solide, une suite d’hypothèses sans consistance, des principes hasardés, des conclu- sions téméraires, en un mot, ces formes étroites dans lesquelles la pensée d’une époque s’enferme, que l’esprit humain dédaigne en grandissant, dont il se dégage avec le temps et qu’il laisse tomber derrière lui pour revêtir une forme nouvelle. Tout système ressemble à ces enveloppes légères dont parle Lucrèce, qui nous fournit lui-même une juste comparaison, à ces tissus serrés et pourtant fragiles que des êtres vivants ont longtemps habités, jusqu’à ce que les premiers feux du printemps, en leur communiquant une vie nouvelle, les aient débarrassés de ce vêtement d’un jour, inerte dé- pouille qui flotte bientôt le long des buissons, Cum veteres ponunt tunicas aestate cicadae... ...Nam saepe videmus Illarum spoliis vepres volitantibus auctas. Mais de ces formes desséchées s’échappe une pensée