Page:Martha - Le Poème de Lucrèce.djvu/24

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célèbres, n’a point pris plaisir à contempler des erreurs auxquelles il était loin d’adhérer, et n’a trouvé comme un spectacle pathétique dans les éga- rements de quelque grand esprit ! Parmi ces livres singuliers qui vous surprennent et vous touchent par leur audace même, le poëme de Lucrèce est au premier rang, parce que l’auteur unit au plus beau génie la plus noble candeur et une évidente sincérité. En entreprenant cette étude, nous cédons à l’at- trait sévère d’une œuvre poétique que rien dans la littérature latine ne surpasse peut-être en intérêt littéraire et moral, et qui offre encore cet avantage de n’avoir pas été épuisée par la critique. Les an- ciens et les modernes semblent s’être fait un devoir de n’en point parler. Chez nous quelques érudits. épris surtout de beau langage, ont bien pu rétablir ou pénétrer le texte, admirer la langue sans entrer dans les pensées et vanter la forme du vase antique sans trop goûter à la liqueur ; d’autre part de libres esprits, tels que Montaigne, Gassendi ou Molière, inclinant vers la doctrine, ont fait du poëme l’objet de leurs méditations; mais les critiques proprement dits, ceux qui se chargent de célébrer pour tout le monde les mérites d’un bel ouvrage, paraissent avoir dédaigné le Poëme de la Nature, soit qu’ils aient été rebutés par l’antiquité d’une langue non encore parvenue à une élégance classique, soit que leur conscience religieuse ait imposé silence à leur