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82.

À RUFUS.

Hier, je me vis accosté
D’un sot que je ne connais guère,
Qui, lorsqu’il m’eut bien inspecte
Du doigt, de l’œil, devant, derrière,
(A peu près comme pourrait faire
Pour un esclave un acquéreur,
Ou, si l’on veut, un revendeur)
Me parlant d’un air de mystère :
« Ne seriez-vous pas, me dit-il,
Ce Martial, ce demi-sage
Dont l’esprit caustique et subtil,
A toute oreille non sauvage
Fait agréer son badinage ? »
Baissant les yeux modestement,
Je laisse échapper un sourire
D’une façon qui voulait dire :
Oui, c’est moi-même justement.
Mon questionneur continue :
« Puisque j’ai si bien rencontré,
Pourquoi vous montrer dans la rue
Avec un manteau déchiré ?
— C’est que je suis mauvais poète. »
Pour m’éviter à l’avenir
Cette question indiscrète
Et l’aveu qui m’a fait rougir,
Rufus, ne pourrais-tu couvrir
D’un meilleur manteau ton poète ?