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En deux mots je vais te l’apprendre.
Un rustique manoir, un champêtre domaine
Qui sans conteste m’appartienne,
Un petit bois, un modeste jardin
Que je cultive de ma main ;
Peu de fortune, mais longue méridienne,
Voilà, Fronton, pour être heureux,
A quoi se bornent tous mes vœux.
Voudrait-il habiter ces froids et longs portiques
Que le marbre de Sparte incruste en mosaïque,
Ou courir le matin, devançant le soleil,
D’un dédaigneux patron saluer le réveil,
Celui qui chaque soir, au retour de la chasse,
Vis à vis d’un foyer, dont le feu le délasse,
Non sans orgueil, étale ses filets
Enrichis du gibier des champs et des forêts ;
Qui voit prendre à sa ligne un poisson qui frétille,
Et rapporte en triomphe ou la carpe ou l’anguille ;
Qui, pour calmer sa soif par un doux hydromel,
A l’amphore rougie emprunte l’or du miel,
Pendant que du logis la rustique intendante
Sur sa table boiteuse étale quelques mets,
Un pur laitage, et des œufs frais
Cuits à propos sous la cendre brûlante
Du foyer que son bois alimente sans frais ?
Ne connaissez jamais cette heureuse existence,
Vils esclaves des grands ! Adorez leur puissance,
Et consacrez vos jours à des patrons ingrats :
Que souhaiter de pire à qui ne m’aime pas ?

[…]