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histoire des églises et chapelles de lyon

Hébreux à la sortie d’Égypte, elle s’était enrichie de tout ce qu’il lui avait été possible d’emporter.

Une enquête juridique, opérée le 29 août 1287, sur les instances de Boniface d’Aoste, vicaire général de Pierre d’Aoste, archevêque élu de Lyon, et par une délégation de Guillaume, archevêque de Vienne, avait confirmé la bonne foi de cette possession. Huit commissaires, docteurs en théologie, licenciés en droit canonique, Dominicains et Cordeliers, avaient contemplé de leurs yeux texteoculnfa fide » une tête et des ossements d’un corps humain, et sur la cuve qui les contenait, ces mots : « Hic jacet sanctus Irenæus secundus a beato Pothino. Ici repose saint Irénée, successeur du bienheureux Pothin. » On ne voit pas qu’à ce moment-là les Augustins du prieuré aient protesté. Le conflit se rouvrit seulement au début du xve siècle et il eut alors un retentissement considérable. Le cardinal Pierre de Thurey, légat a latere dans la province, commença les informations à ce sujet : il les termina par l’ouverture des sépulcres et la visitation solennelle des reliques de la crypte irénéenne. La cérémonie eut lieu le 6 avril 1410. Avec le cardinal de Sainte-Suzanne, on avait invité son frère, Philippe de Thurey, archevêque de Lyon ; Pierre de Saluées, évêque d’Amnata ; Jacques Crépignac, évêque de Damas ; les abbés de Savigny, d’Ambournay, de Saint-Ruf, de l’Île-Barbe et d’Ainay ; le doyen des comtes de Saint-Jean, Pierre de Montjeu ; Amédée de Talaru et Geoffroy de Thélis représentaient la collégiale de Saint-Just dont ils étaient membres. On trouva les cercueils de plomb aux places que la voix publique désignait ; après qu’ils furent ouverts, on plaça les restes qu’ils contenaient dans des châsses préparées à les recevoir. Le délégué du Saint-Siège confirma dans un diplôme, revêtu de sa signature et de son sceau, l’authenticité de la découverte. Les chanoines de Saint-Just désappointés réclamèrent et déposèrent une plainte contre cette déclaration au tribunal du sénéchal, Jean de Chastelus ; ceux de Saint-Irénée répliquèrent en portant l’affaire à Rome, tandis que leurs adversaires s’adressaient au Parlement de Paris pour empêcher l’effet de cet appel au pape. Jean XXII nomma néanmoins un juge et confia cet office à Henri, évêque de Sabine, membre du Sacré-Collège. Trois ans après, les doutes n’étaient pas encore tranchés, lorsque des deux côtés on convint de choisir pour arbitre un personnage que sa dignité et sa science recommandaient, autant que sa naissance et son passé le préparaient à bien connaître la cause remise entre ses mains. Il s’agit de Jean de Rochetaillée, ancien écolier de la manécanterie de la Primatiale, archevêque de Rouen et de Besançon, patriarche de Constantinople, cardinal, qui Inversait Lyon en se rendant à sa nonciature d’Espagne. Il accepta et, le 9 août 1413, dans le chœur de Saint-Jean, au milieu d’une assistance compacte, il écouta la lecture des mémoires des avocats : Jérôme de Balard plaida pour Saint-Irénée, Jean Palermi lui répondit au nom de Saint-Just. Le lendemain il rendit sa sentence ; elle maintenait le prieuré de Saint-Irénée dans une possession appuyée sur une trop haute antiquité pour n’être pas légitime ; l’autre parti s’inclina : sans cesser d’honorer un patron qui lui avait toujours été cher, il n’eut plus à se dire le gardien de sa tombe.

Ce qui avait coûté tant de zèle à revendiquer, ce que la piété de nos pères considérait à bon droit comme une céleste sauvegarde, la fureur et l’irréligion des bandes du