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histoire des églises et chapelles de lyon

tout coup de main tenté par l’empereur. Il arriva dans la première semaine de l’Avent, en 1244, probablement le 2 décembre. Son séjour devait se prolonger jusqu’après les fêtes pascales de l’année 1251, jusqu’au 19 avril.

À aucun moment de son histoire, Saint-Just n’eut une fortune plus brillante et une réunion d’hôtes plus illustres. On vit y affluer, avec la cour pontificale, des prélats de toutes les nations et des ambassadeurs de tous les princes. La réunion préparatoire du concile, à laquelle près de 150 évêques prirent part, se tint au réfectoire capitulaire : l’empereur latin de Constantinople, Baudoin II, s’y rencontra avec Reymond VII, le puissant comte de Toulouse ; Louis IX, en descendant à Aigues-Mortes, s’y arrêta avec sa femme, la reine Marguerite et ses trois frères, Robert d’Artois, Alphonse de Poitiers, Charles d’Anjou ; Guillaume de Hollande, élu roi des Romains, s’y rendit, en 1251, et fut le convive du pape à la table de la Cène du Jeudi-Saint. Les solennités religieuses s’associaient aux entrevues et aux négociations politiques : promotion de quatorze cardinaux, sacre d’évêques, canonisation de saint Edmond de Cantorbéry, procession de la Rose d’or, le dimanche de Lætare, consécration de l’église, même avant son complet achèvement, Innocent IV se prêtait à tout avec une bonne grâce et une activité infatigables. Sa bienveillance épuisa, pour ainsi parler, les concessions de privilèges, d’immunités, d’indulgences spirituelles, d’exemptions canoniques et bénéficiales. La chancellerie ne chôma pas ; il reste plus de quarante bulles rédigées à ce propos ; quatorze au moins recommandent au bon accueil de la chrétienté les quêteurs, dispersés jusqu’en Angleterre, afin d’en rapporter des aumônes permettant de mener à leur fin les travaux de l’église trop souvent suspendus.

On eut, un demi-siècle après, le retour de ces pompes romaines pour l’intronisation de Bertrand de Goth. L’archevêque de Bordeaux, élu pape sous le nom de Clément, se fit sacrer à Saint-Just le 14 novembre 1305 ; Philippe le Bel, auquel il était redevable de la tiare, était présent ; on apercevait à leurs côtés le roi d’Aragon, Henri, comte de Luxembourg, Gaston de Foix, le duc de Bretagne qui périt si misérablement, écrasé par la chute d’un mur, quelques heures après. Une fois encore la collégiale lyonnaise avait été le centre de la catholicité.

Des jours sombres et pleins de menaces s’entremêlèrent à ce mouvement et à cette prospérité dont les résultats, pour peu qu’on ne révoque point en doute les paroles satiriques d’un cardinal familier d’Innocent IV, furent moins favorables aux bonnes mœurs que fécondes en abus et en violences. Depuis longtemps la classe bourgeoise et les gens des métiers supportaient avec une évidente impatience l’administration civile de l’archevêque et du chapitre. Ils souffraient des conflits perpétuels qui éclataient entre les mandataires de l’un et de l’autre et qui se terminaient uniformément aux dépens de leur bourse et de leur tranquillité. Ils aspiraient à traiter eux-mêmes de leurs affaires communales. Leurs réclamations n’avaient pas encore reçu de solution. Une longue vacance de siège, après la démission et le mariage de Philippe de Savoie, qui n’avait jamais pris les ordres sacrés, leur parut une occasion favorable de s’émanciper et d’arracher enfin ces libertés municipales qu’on leur refusait, en les accablant de charges. Malheureusement les