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histoire des églises et chapelles de lyon

La joie ne fut pas passagère, grâce à la bienveillance de Mgr Freppel, permettant aux sœurs de garder le Saint-Sacrement dans leur petite chapelle : il leur laissa par là consolation et force. Elles purent, dès lors, commencer l’œuvre si désirée de sœur Marie Chrysostome de la Croix : l’adoration, but principal de leur institut, joint cependant à une œuvre de charité extérieure, comme l’était le soin des orphelines de la guerre. Chaque jour, interrompant leurs fatigues et leurs travaux, elles venaient, tour à tour, au pied du simple autel de bois, où repose Jésus, épancher leur cœur et ranimer leur courage. Deux fois par semaine le Père Chrysostome célébrait la messe, les autres jours les sœurs allaient à la paroisse, malgré le froid d’un hiver rigoureux, et d’autant plus sensible qu’habituées aux douceurs de l’existence elles durent rompre tout d’un coup avec le bien-être de la vie. Ce n’était pas sans humiliation qu’elles assistaient au saint sacrifice ; la loueuse de chaise, toujours avide du modeste gain qui lui était dû, leur demandait avec opiniâtreté le sou, parfois oublié, plus souvent encore nécessaire à la petite famille. Car tout manquait à l’orphelinat. Les heureux du monde ne se doutaient pas de la misère qui y régnait, et Dieu seul savait comment vivaient les sœurs. Le froid excessif faisait sentir toute sa rigueur et jamais la moindre lueur d’un feu bienfaisant ne venait réchauffer le pauvre intérieur. Pourtant un vicaire général, M. Grimaud, appelé auprès de la supérieure, et témoin des privations dont elle était la première à souffrir, lui remit un jour une aumône pour acheter du bois. Parfois, non seulement le feu mais encore le vivre faisait défaut, on devait se contenter de légumes avariés. Lorsque le dîner était suffisant, la sœur cuisinière pouvait à peine l’apprêter, la cuisine ne renfermant pas les ustensiles nécessaires. Aussi plus d’une fois, alors que les orphelines ne manquaient de rien, les sœurs mangèrent-elles de bon cœur un peu de pain, ajoutant forcément mais gaiement un jeûne de plus à ceux que prescrit la règle.

Cependant la Vierge Marie veillait sur ses enfants, et, par un coup inespéré de grâce, elle vint à leur secours. Bientôt, en effet, les religieuses abandonnèrent la petite maison de la rue Saint-Eutrope, prirent possession d’un local spacieux et d’un jardin assez vaste pour leur permettre de se livrer plus facilement aux exercices de la vie religieuse, en leur donnant à la fois plus d’air, plus d’espace et plus de liberté. Le déménagement fut bientôt fait, le mobilier, simple en qualité et en quantité, étant facile à transporter. Un soir de janvier 1872, n’ajoutant à leur toilette qu’un vêtement propre à les garantir des rigueurs de la saison, elles transportèrent elles-mêmes, à la faveur des ténèbres, le pauvre contenu de leur premier nid. Le lendemain matin, après avoir entendu la messe avant le lever du jour, elles recommencèrent leur pénible travail ; puis, rentrées chez elles dès les premiers rayons du soleil, elles préparèrent les voyages de la soirée : trois jours se passèrent ainsi, partagés entre la prière et le travail. La nouvelle maison était bien ; le jardin contenait une grande serre dont on fit une chapelle ; il la fallut vaste parce que le nombre des orphelines était monté à trente-quatre. Le 6 juin 1872, les trois premières sœurs, dont nous avons cité les noms, reçurent l’habit religieux des mains de Mgr Freppel.

Le Père Chrysostome, s’appuyant sur les traditions de l’ordre séraphique, dont les