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histoire des églises et chapelles de lyon

détacher. La science lui représente que ces plaies hideuses et rebelles à tous soins, sont la suite fatale des vices des ancêtres, et qu’il est des races qui doivent s’éteindre. Elle, ne voit dans l’alourdissement fatal du mal héréditaire qu’un être innocent en lui-même qui gémit sous ses yeux. La malheureuse a une famille, elle en connaît l’indigence. Alors sans discuter avec la médecine ou la statistique, elle prend l’incurable à sa charge, puis deux, puis trois : elle était partie sur le chemin de sa vocation. N’ayant pas de fortune, elle quêtait des secours ; vingt fois elle se vit à bout d’expédients, et chaque fois Dieu lui vint en aide à point nommé : « J’admirais chaque jour », écrit-elle, « les soins de la Providence qui n’est jamais si belle que lorsqu’on la considère dans ces détails minutieux, où l’on reconnaît la tendresse d’une mère ».

Après les obstacles matériels se présentèrent des difficultés morales pires encore. Elle essaya d’apprendre à ses pensionnaires d’un nouveau genre de petits métiers qui les tireraient de leur abjection : il lui fut souvent impossible de vaincre l’inertie des âmes enfouies dans ces corps de rebut. Elle se découragea, et prit ou crut prendre la ferme résolution de ne plus s’en mêler. Sur ces entrefaites, elle fut atteinte d’une grave maladie, guérit très vite et se sentit remplie d’un courage et de forces qu’elle ne s’était jamais connues. L’œuvre cependant se développait dans l’ombre : les curés des alentours grossissaient par leurs envois le misérable troupeau.

Mlle Perrin obtint de sa mère de loger ces pauvres dans les vastes greniers de la maison qu’elle habitait place Saint-Jean. De plus, quelques amies intelligentes et dévouées, mesdemoiselles Richard, Catelin et Roch, se firent ses auxiliaires et lui permirent de respirer et d’espérer. Pourtant elle n’avait pas franchi son plus difficile passage ; le curé du quartier Saint-Georges, M. Julliard, jusque-là son guide, son admirateur, lui marqua peu à peu quelque relâchement d’amitié, quelque froideur même dont elle ne sut la cause que plus tard : il ne concevait pas qu’une semblable besogne de charité restât entre des mains laïques, et proposa à Mlle Perrin de confier ses malades à des religieuses cloîtrées, ses malades qu’elle ne verrait plus, mais à l’entretien desquelles elle continuerait à pourvoir par ses quêtes. Elle n’accepta pas ces conditions : le caractère laïque de l’œuvre lui tenait autant à cœur qu’il donnait à craindre aux prêtres les mieux disposés à son égard.

Une autre fois, bien plus tard, les vicaires généraux tentèrent un second assaut, elle écouta le plus docilement du monde leur admonestation bien intentionnée ; bien plus, elle s’offrit à être elle-même religieuse, et se mit en route sans différer pour un monastère qu’on lui indiqua, et où elle ne fut pas accueillie. Ce dernier trait de la Providence acheva de la persuader, nous citons encore ses mémoires « qu’une des vues de la bonté infinie du Christ, est de sanctifier les âmes qui se perdent, en les attirant par le spectacle de ses membres souffrants, et d’établir un rapport de bonnes œuvres entre les personnes qui vivent dans le monde et celles qui s’en sont séparées. Le Seigneur, poursuit-elle, n’est-il pas venu prêcher à tous les vertus chrétiennes, et pour montrer que les gens du monde pouvaient les suivre, n a-t-il pas appelé saint Mathieu et saint Paul à sa suite. »