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carmes déchaussés

CARMES-DÉCHAUSSÉS

Avant que le pic du démolisseur ait fait disparaître la chapelle de l’ancien couvent des Carmes-Déchaussés, nous croyons devoir en rappeler les origines et l’historique jusqu’à nos jours.

La partie déclive de la colline de Fourvière qu’occupe le bâtiment des Carmes-Déchaussés était couverte, du temps des Romains, par des villas et des jardins qui terminaient Lugdunum du côté nord. Elle formait une sorte de plateau à mi-côte, dont le prolongement suivait le chemin actuel de Montauban, où, à plusieurs reprises, on a cru découvrir des vestiges de voie romaine, jusqu’au rocher de Pierre-Encise, que la tradition dit avoir été entaillé par Agrippa pour prolonger la via Strata qui gagnait le Rhin. Ce plateau surplombe la Saône par un précipice presque à pic, d’une cinquantaine de mètres de hauteur, ne donnant place à aucune construction inférieure jusqu’au quai.

On comprend qu’à cause même de leur situation escarpée et en retrait, les villas romaines de ce lieu ne pouvaient être ni vastes, ni nombreuses. C’est tout ce que permettent de supposer les inductions historiques sur ce terrain, à l’époque romaine. Le moyen âge sera plus riche en souvenirs.

Deux points se précisent alors : 1o le nom de Thunes donné à ce lieu ; 2o la recluserie qu’on y rencontre. D’où vient cette dénomination de Thunes donnée à la partie inférieure du tènement qu’on nommait auparavant la Thibaudière ? Les avis sont partagés. D’aucuns prétendent qu’elle la doit à des pestiférés venus de Tunis et relégués dans ce lieu. D’autres que c’est en souvenir de saint Louis, mort dans les environs de Tunis. Cependant Thunes, s’écrivant par un h, ne saurait être assimilé à Tunis qui n’en a point. Quelle que soit l’origine de ce nom, une recluserie fort ancienne, dont le vocable n’a point été conservé, s’élevait à cet endroit. Elle dut disparaître de bonne heure, car elle n’est point mentionnée dans les listes des recluseries reconnues du moyen âge.

On retrouve ensuite ce tènement divisé en deux parties appelées Grand et Petit Thunes, et devenu une taverne renommée, où le peuple allait boire et manger, et qui jouissait d’une singulière réputation de bonne chère, puisque, jusqu’à nos jours, on s’est servi de cette locution familière faire thunes ou thuner, comme on disait autrefois, faire ripailles, en souvenir de la vie délicate et somptueuse que le duc de Savoie Amédée VIII menait à Ripailles, sur les bords du lac de Genève.

Le chemin de Montauban, qui y donnait accès, facilitait ces ébats, car il était très fréquenté, soit par les familiers et les hommes d’armes du Chapitre de Saint-Jean, en rapports incessants avec le château fort de Pierre-Scize, résidence des archevêques, soit par les officiers du gouverneur de la ville depuis l’époque (1468) où Louis XI enleva cette forteresse à l’archevêque Charles de Bourbon, pour en faire une prison d’Etat.