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saint-bonaventure

cervelle rejaillit sur la muraille, leur sang la rougit, et le prêtre, témoin de cet horrible spectacle, la main levée pour le pardon, ne trouve plus dans sa mémoire ni sur ses lèvres, tant il est bouleversé, la formule sacramentelle qui réconcilie. L’occupation de l’église marquait la défaite et le terme du soulèvement populaire ; l’ordre et la circulation ne tardèrent pas à se rétablir, la maison de Dieu, devenue un champ d’exécution, fut réconciliée ; quatre cloches nouvelles, bénites le 11 février 1836, remplacèrent celles que l’artillerie avait brisées ; un des vicaires, atrocement calomnié, M. Peyrard, après neuf mois de la plus injustifiable captivité, fut rendu à la liberté et à ses amis, mais ces jours d’horreur laissèrent des souvenirs, qui ne disparurent point avec la laideur des dégâts commis, ni sous le lavage des dalles souillées.

Une seconde catastrophe, celle-ci étrangère aux passions sociales, dont la nature fut exclusivement coupable, assombrit encore l’administration de M. le chanoine Jordan, interrompit les offices religieux, ralentit forcément les améliorations en projet, multiplia surtout la misère, dans ce quartier plus atteint que d’autres. Je veux parler de l’inondation de 1840. Une gravure de cette époque, reproduite par le Lyon de nos Pères, représente la rue du Port-Charlet et le Mont-de-Pitié sous les eaux : l’église, on le pense bien, ne fut pas épargnée ; envahie par le courant du Rhône, elle ressembla bientôt à un vaste lac dont le niveau monte sans cesse : les flots, en battant ses murailles, les ébranlèrent et l’humidité qui subsista, quand ils se furent écoulés, ne contribua pas à leur assainissement, ni à la solidité et à la propreté de l’édifice.

Tant d’épreuves auraient abattu une foi et une patience moins trempées que celles de M. Jordan ; sous de frêles apparences il cachait une énergie peu aisée à démonter et, pour parvenir à ses fins, il n’épargnait ni ses démarches, ni sa peine. Esprit méthodique et ordonné, quoique un peu sujet à l’indécision, il appliquera d’abord son attention aux réformes intérieures, à la correction de quelques abus que la vieillesse et la bonté de M. Pascal avaient tolérés ; il régla les privilèges des confréries ; il organisa d’une manière plus équitable la distribution des secours aux indigents. Sa piété envers la Mère de Dieu le porta à étendre, de tout son pouvoir, l’association du Rosaire et à grouper, dans ses cadres, la plupart des mères de famille. Elle atteignit, sous sa direction, une prospérité qu’elle n’a plus retrouvée depuis, et les somptueux embellissements, dont elle dota sa chapelle, sont l’indice que la générosité de ses membres égalait au moins leur assiduité.

Si le bon Dieu eût accordé quelques courtes années de plus de vie à son fidèle ministre, il est probable qu’il fût parvenu à réaliser entièrement le vaste programme de la restauration qu’il avait conçue et à vaincre toutes les difficultés. On chuchotait bien, autour de lui, que ses goûts artistiques n’étaient pas très sûrs, qu’ils péchaient peut-être par une préférence trop sensible pour le grandiose et le clinquant ; ses essais de début avaient soulevé quelques critiques. Il ne s’en embarrassa que médiocrement et ne renonça pas à un dessein qu’il jugeait avantageux à son apostolat. Il s’entoura d’avis compétents, et tour à tour ou en même temps, il ne consulta pas moins de quatre architectes. Cette méthode, inspirée par une défiance louable, provoqua cependant plus de rivalités qu’elle ne suscita de lumières ; il en sortit même un procès qu’on eut beaucoup de peine d’étouffer, en tran-