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histoire des églises et chapelles de Lyon

Mgr Ginoulhiac, qui avait pris possession de son siège, le mois précédent, après que, sous le canon de Frœschviller et de Reischoffen, furent tombées nos ambitieuses illusions, entendit, dès le 12 septembre, la communication de ce projet ; il l’approuva sans réserve et fit sienne la parole d’un des assistants : « Mgr, il serait beau de poser la première pierre du nouveau sanctuaire, le jour où le dernier soldat prussien quitterait le sol français. »

Le samedi 8 octobre l’archevêque célébra la messe au maître-autel de la chapelle, devant une multitude de catholiques appartenant à tous les rangs de la société, et il prononça d’une voix haute la formule du vœu qui demandait la délivrance et la paix. Le traité de Francfort fut signé, le 1er mars 1871. Malgré des ordres trois fois répétés, les Prussiens n’avaient pas eu le temps de pénétrer dans le département du Rhône. Les Lyonnais, dès qu’un peu de calme fut rétabli, et malgré les incertitudes et les divisions politiques, se mirent en mesure de tenir leur engagement.

Depuis de longues années, la question préoccupait l’opinion, sans que jamais la solution eût été jugée suffisamment mûrie et débarrassée d’insurmontables objections. On se rappelle qu’en 1832, après le choléra-morbus, Mgr de Pins l’avait officiellement posée, pour la première fois, dans sa Lettre pastorale ; il avait même, un peu plus tard, demandé des plans à l’architecte Chenavard, qui les avait exécutés et les lui avait remis ; mais ils n’étaient pas sortis des cartons. En 1844, M. Bossan fut chargé de l’entretien et des réparations du vieil édifice ; la mission n’avait qu’un intérêt assez médiocre, mais, sans le deviner, le cardinal de Bonald venait de découvrir et de nommer le futur maître de l’œuvre à créer. Le jeune artiste part pour l’Italie, visite la Sicile, séjourne à Rome ; dans son éloignement toutefois l’idée de la reconstruction de Fourvière hante son cerveau et lui apparaît de plus en plus comme le rêve de sa vie et de son talent. De son propre mouvement, sans mandat, en pleine ignorance de l’avenir, il conçoit un plan, en trace les lignes, en dessine les ornements et les figures ; et, rentré à Lyon, en 1852, il présente à ses amis son travail solitaire et leur souffle un peu de sa flamme sacrée. Le curé d’Ars, qu’il visite, bénit ses crayons et dégage sa conscience de ses doutes ; plus que jamais il s’enthousiasme de son rêve ; c’est le fond de ses méditations et le pain de ses veilles ; la Bible à la main, il nourrit son esprit d’un symbolisme fécond et il s’encourage à toutes les audaces et à toutes les hardiesses par sa piété envers la femme, pleine de grâces, qu’il désire glorifier. Nul concurrent ne lui disputera l’honneur qu’il a si légitimement conquis ; il sera l’architecte du nouveau Fourvière ; dès le mois de mars 1866, après une exposition publique qu’il organisa dans la salle des Pas-Perdus du palais archiépiscopal, son titre et ses droits avaient été consacrés par les suffrages les plus enviés. Que l’heure providentielle sonne, au milieu des glas de la France qui agonise, ses mains bâtiront la Sainte Sion, comme il se plaît à dire ; elles dresseront la forteresse inexpugnable, défense mystique et immortelle de la cité couchée à ses pieds ; elles écriront sur la pierre, des ombres de la crypte au faîte des tours, un des plus splendides poèmes, qui aient été chantés à la gloire de la pureté, de la virginité et de la force de la Mère Immaculée, bénie par toutes les mères.

Le terrain, destiné à recevoir le monument contigu à la vieille nef gothique de Saint--