Page:Martin du Gard - Le Cahier gris.djvu/136

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Une voix de femme l’éveilla en sursaut.

— « Où habites-tu ? Tu ne vas pas coucher là, je pense ! »

Elle l’avait ramené dans la lumière. Il ne savait que dire.

— « Tu as eu des mots avec le père, je parie ? Tu n’oses plus rentrer chez toi ? »

La voix était douce. Il accepta le mensonge. Il avait retiré son chapeau et répondit poliment :

— « Oui, Madame. »

Elle se mit à rire.

— « Oui, Madame ! Eh bien, faut rentrer tout de même, vois-tu. J’ai connu ça avant toi. Puisqu’il faudra que tu rappliques un jour ou l’autre, à quoi bon attendre ? Plus que t’attends, plus que c’est vexatoire. » Et comme il se taisait : « T’as peur d’être battu ? » demanda-t-elle en baissant la voix, sur un ton intéressé, familier, complice.

Il ne répondit rien.

— « Phénomène ! » fit-elle. « Il est si obstiné qu’il aimerait mieux passer la nuit là ! Allons, viens chez moi, je n’ai personne, je te mettrai un matelas par terre. Je ne peux pourtant pas laisser un gosse dans la rue ! »