Page:Martin du Gard - Le Cahier gris.djvu/188

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Il se tut et se contenta de garder contre lui le buste du petit. Mais sa curiosité le travaillait :

— « Qu’est-ce qui t’a pris, voyons ? » reprit-il avec plus de douceur. « Qu’est-ce qui s’est passé ? C’est lui qui t’a entraîné ? »

— « Oh non. Lui, ne voulait pas. C’est moi, moi tout seul. »

— « Mais pourquoi ? »

Pas de réponse. Antoine poursuivit gauchement :

— « Tu sais, je connais ça, les liaisons au collège. Tu peux m’avouer bien des choses, à moi. je sais ce que c’est. On se laisser entraîner… »

— « C’est mon ami, voilà tout », souffla Jacques sans quitter l’épaule de son frère.

— « Mais », hasarda l’autre, « qu’est-ce que… vous faites ensemble ? »

— « Nous causons. Il me console. »

Antoine n’osait pas aller plus avant. « Il me console… » L’accent de Jacques lui serrait le cœur. Il allait dire : « Tu es donc bien malheureux, mon petit ? » lorsque Jacques ajouta crânement :

— « Et puis, si tu veux savoir tout : il me corrige mes vers. »