Page:Martin du Gard - Le Pénitencier.djvu/287

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continué à travailler un poème dans lequel il célébrait la bien-aimée et se lamentait sur son exil. Mais il ne souhaitait pas vraiment la revoir.

Pourtant il passait dix fois par jour devant la loge, et chaque fois il jetait un regard anxieux à l’intérieur, et chaque fois il s’en retournait rassuré, mais insatisfait.


La veille de l’enterrement, comme il rentrait après avoir dîné seul au petit restaurant où Antoine et lui prenaient leurs repas depuis le départ de M. Thibault pour Maisons-Laffitte, — le premier objet qui frappa ses yeux, fut, à la porte de la loge, une valise abandonnée. Un tremblement le saisit et son front se couvrit de sueur. Dans la lumière que faisaient les cierges autour de la bière, une silhouette d’enfant était agenouillée sous des voiles de deuil. Sans hésiter, il entra. Les deux religieuses levèrent sur lui leurs regards indifférents ; mais Lisbeth ne se retourna pas. Le soir était orageux ; une odeur chaude et sucrée emplissait la pièce ; des fleurs se fanaient sur le cercueil. Jacques restait debout, regrettant d’être entré ; cet appareil funèbre lui causait un invincible malaise.