Page:Martin du Gard - Le Pénitencier.djvu/94

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comprends ? Le père Léon me l’avait demandé, au début ; moi je n’y tiens pas, j’aime autant l’eau du broc… Mais ce qui m’ennuie c’est qu’ils rôdent tout le temps dans le couloir. Avec leurs chaussons, on ne les entend pas. Quelquefois même ils me font peur. Non, ce n’est pas que j’ai peur, c’est surtout que je ne peux pas faire un mouvement sans qu’ils me voient, sans qu’ils m’entendent… Toujours seul et jamais vraiment seul, tu comprends, ni en promenade, ni nulle part ! Ça n’est rien, je sais bien, mais à la longue, tu sais, tu n’as pas idée de l’effet que ça fait, c’est comme si on était sur le point de se trouver mal… Il y a des jours où je voudrais me cacher sous le lit pour pleurer… Non, pas pour pleurer, mais pour pleurer sans qu’on me voye, tu comprends ?… C’est comme ton arrivée, ce matin : ils me l’avaient dit, à la chapelle. Le directeur avait envoyé le secrétaire inspecter ma tenue, et on m’avait apporté mon pardessus, et aussi mon chapeau, parce que j’étais nu-tête… Oh, ne crois pas qu’ils ont fait ça pour te tromper, Antoine… Non, pas du tout : c’est l’habitude. Ainsi, le lundi, le premier lundi du