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LE MUSICIEN DE PROVINCE

ramenait ses yeux vers l’appartement, il voyait à deux pas de lui, Selika, la douce Selika elle-même qui l’écoutait.

Mme Muret, plus compatissante que jamais, se réjouissait intérieurement de l’enivrement romantique de M. Grillé.

Elle sut feindre une telle admiration que lorsque le professeur eut cessé de déchiffrer la partition piano et chant, il courut chercher son violon et joua plusieurs fois de suite, l’entre-acte célèbre où l’auteur de l’Africaine a mis toute son adresse de bateleur au service du plus noble des instruments.

La soirée s’acheva sans qu’un nuage en vînt ternir la pureté. Mme Muret était si contente de son succès, qu’elle en était plus expansive qu’à l’ordinaire. Elle eût dansé la bamboula pour le plaisir de M. Grillé.

Elle parlait d’un costume de Selika, proposait de se coiffer avec des plumes aux vives couleurs, montrait des étoffes qui lui allaient très bien, disait-elle, mais dont elle n’osait habituellement se vêtir : « Vous comprenez, ajoutait-elle, sortir avec cela, à Turturelle, dans la rue, non ! — On dirait : Il ne lui manquait plus que çà — mais ici, à la campagne… » Et elle promit sérieusement d’apprendre un acte du rôle de Selika.

Mme Muret se figurait M. Grillé habitant longtemps encore Rûlami, pour y goûter de longs