Page:Martineau - Mémoire sur quelques affaires de l'Empire Mogol (Jean Law de Lauriston 1756-1761), 1913.djvu/390

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sa science est réduite à ce qui est contenu dans plusieurs livres arabes et persans, où, pour une vérité, il y a cent faussetés. Ayant eu occasion de l’entretenir quelquefois, j’ai bientôt reconnu qu’il étoit très capable de composer un roman, mais qu’à l’égard de ce que nous nommons histoire et surtout ce qui a rapport aux Européens, il est dans une parfaite ignorance. Il est curieux, naturellement gai et libre dans son particulier, où souvent il admet ses principaux officiers militaires en qui il a confiance ; alors on a la permission de s’asseoir. J’ai eu souvent cet honneur, et même deux ou trois fois celui de manger, non à sa table, car il n’en a point, mais à son Sofra au Daster, comme on l’appelle.

Le prince qui peut-être n’avoit jamais vu d’Européens soutînt nos regards avec le plus grand sérieux, il parla peu, et se contenta de me faire entendre qu’il étoit bien aise de notre arrivée ; après quoi on fit venir le serpau ou plutôt le khélat, dont on me revêtit. C’est une espèce de soubreveste que le prince met lui-même certains jours de cérémonie et qui fait partie de l’habillement royal. Il fallût faire à cette occasion bien des révérences, je croyois que cela ne finiroit pas. Ensuite Hytelrao me conduisit dans un endroit retiré pour parler d’affaires. Vous devez croire qu’il fit sonner bien haut son expédition prochaine pour le Bengale, dont il me fit quelques détails ; les avantages que je devois trouver à rester avec le