Page:Martinov - De la langue russe dans le culte catholique, 1874.djvu/62

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Les choses se passèrent autrement à Vilno, ou il n’y avait plus d’évêque. Le prélat Zylinski, chargé de l’administration du diocèse, se prêta volontiers aux injonctions du Collège ou plutôt du comte Sievers, directeur des cultes étrangers. On prétend même qu’il se serait engagé vis-à-vis du gouvernement à travailler à l’introduction du russe dans le culte catholique et que cet engagement a été pris lors d’un voyage dans la capitale, entrepris pour des motifs fort intéressés. Il eut recours à l’expédient des signatures : quiconque, par sa signature, certifiait avoir reçu un exemplaire du rituel, était censé l’avoir accepté ; ce fut la répétition de la comédie des pétitions et des adresses, demandant l’usage du russe dans l’Eglise. Les prêtres dociles eurent les faveurs du gouvernement, tandis que les ecclésiastiques demeurés fidèles à leur devoir furent mal notés, destitués, persécutés. Le cœur se brise en lisant le récit des persécutions de tant de ministres de Dieu, et l’on se demande si le Seigneur souffrira longtemps de pareils scandales des faibles. Au reste, la justice divine a fait déjà sentir ses rigueurs. Tout le monde se rappelle la fin terrible du prélat Toupalski. Le 8 mai 1871, il fut assassiné par son propre domestique de la manière la plus cruelle. Le tronc de son corps fut repêché dans la Wilia, mais la tête, les pieds et les mains ne furent retrouvés qu’à Marienbourg où le meurtrier a été arrête. A la nouvelle de ce crime épouvantable, le peuple disait : Le doigt de Dieu est .

Détournons nos regards et hâtons-nous d’ajouter qu’il y eut aussi parmi le clergé d’intrépides défenseurs de la cause catholique. Il suffit de nommer Stanislas Pierowitch, curé d’une paroisse de Vilno. L’acte héroïque par lequel il s’illustra est d’autant plus remarquable, qu’avant de l’accomplir cet abbé avait secondé l’œuvre de la russification. C’était le jour de l’Annonciation. Après l’Évangile, l’abbé Pierowitch monte en chaire, fait l’homélie du jour, puis, dans un discours chaleureux, il retrace le tableau des souffrances de l’Eglise en Lithuanie, dénonce la trahison de ses pasteurs, et montrant un exemplaire du nouveau rituel, le seul qu’il a gardé après avoir brûlé la veille les autres, il le déchire en morceaux et le brûle publiquement sous les regards de la foule stupéfaite. L’auto-da-fé terminé, il fait appeler l’agent de la police, se remet entre ses mains en lui