Page:Marx - Différence de la philosophie de la nature chez Démocrite et Épicure.djvu/42

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fait face au monde. De ce fait, la contradiction tombe dans le monde, qui devient lui-même déchiré et contradictoire. Dans de telles périodes, l’homme peut adopter deux attitudes différentes vis-à-vis du monde : « Ou bien se retirer de celui-ci et chercher son bonheur en lui-même, dans le domaine de la conscience…, ou bien s’efforcer d’agir sur le monde pour le transformer[1]. » L’intérêt des philosophies étudiées par Marx est de se situer sur le sol de l’opposition au monde favorable à sa transformation. Mais Épicure choisit le retrait du monde, se bornant à témoigner de la validité de l’alternative.

La philosophie qui veut transformer le monde devient philosophie de l’action et de la volonté. Son mode d’action est la critique, qui mesure le donné à l’essence. Mais la contradiction qui était tombée dans le monde réside aussi dans la philosophie elle-même dans la mesure où elle s’engage dans le mouvement pratique. D’une part, la critique s’oppose à la philosophie totale, mais elle est incapable de la dépasser théoriquement et ne fait qu’« en réaliser les divers moments[2] ». D’où, chez les Jeunes hégéliens, les risques de chute théorique dont nous avons parlé. D’autre part, la philosophie totale se trouve, à l’image du monde devenu contradictoire, déchirée intérieurement : sa mise en pratique définit deux directions opposées. La critique s’incarne dans le parti libéral qui se donne pour tâche la transformation du monde et l’extériorisation de la philosophie. En face de cette direction, la « philosophie positive » tente de justifier le donné en rejetant la faute sur la philosophie. En même temps cette tendance refuse d’abolir la philosophie dans son être-séparé-du-réel. Elle veut la maintenir dans son abstraction en la réformant pour l’accorder au monde donné. À l’inverse, la critique représente la fin de la philosophie conçue comme contemplation sereine d’un monde rationnel. Elle exprime la pointe la plus haute de

  1. . Ibidem. I, 188.
  2. . Travaux préparatoires : « Points nodaux dans le développement de la philosophie. »