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de juin 1849 au 10 mars 1850
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l’armée constitutionnelle de l’Empire, et Oudinot bombardait Rome. La crise européenne approchait incontestablement du moment décisif. Les yeux de toute l’Europe se dirigeaient sur Paris et les yeux de tout Paris étaient fixés sur l’Assemblée législative.

Le 11 juin, Ledru-Rollin monta à la tribune. Il ne tint pas de discours. Il formula un réquisitoire contre les ministres, nu, simple, réel, concentré, puissant.

L’attaque contre Rome est une atteinte portée à la constitution ; l’attaque essuyée par la République romaine est une attaque dirigée contre la République française. L’article V de la constitution dit, en effet : « La République française ne tourne jamais ses forces contre la liberté d’aucune nation, » — et le président dirige l’armée française contre la liberté romaine. L’article IV de la constitution interdit au pouvoir exécutif de déclarer aucune guerre sans l’approbation de l’Assemblée nationale. Le vote, émis par la Constituante le 8 mai, ordonne expressément aux ministres de ramener le plus vite possible l’expédition romaine à sa destination primitive. Par suite, il leur interdit tout aussi expressément d’entrer en guerre avec Rome — et Oudinot bombarde Rome. Ainsi Ledru-Rollin faisait de la constitution même un témoin à charge contre Bonaparte et ses ministres. Lui, le tribun de la constitution lance à la face de l’Assemblée nationale cette déclaration menaçante :