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abolition du suffrage universel
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Le « parti de l’ordre », parfaitement convaincu par le renouvellement de l’élection, par la candidature de Sue, par l’accord de la Montagne et de la petite bourgeoisie que ces deux dernières étaient résolues à rester tranquilles en toutes circonstances, répondit aux deux victoires électorales par la loi qui abolissait le suffrage universel.

Le gouvernement se gardait bien de prendre cette proposition sous sa responsabilité. Il fit à la majorité une concession apparente en confiant l’élaboration du projet aux grands dignitaires de la majorité, aux dix-sept burgraves. Ce ne fut pas le gouvernement qui proposa à l’Assemblée, ce fut l’Assemblée qui se proposa à elle-même l’abolition du suffrage universel.

Le 8 mai, le projet fut porté devant la Chambre. Toute la presse sociale démocratique se leva comme un seul homme pour recommander au peuple un maintien digne, un « calme majestueux[1] », la passivité et la confiance en ses représentants. Chaque article de ces journaux confessait qu’une révolution anéantirait d’abord la presse que l’on qualifiait de révolutionnaire : il s’agissait maintenant pour elle d’une question d’existence. La presse soi-disant révolutionnaire dévoilait ainsi son secret. Elle signait son propre arrêt de mort.

Le 21 mai, la Montagne mit la question en discussion et proposa le rejet de tout le projet parce

  1. En français dans le texte.