d’une grisaille, c’est certainement celle-là : hommes et événements paraissent être des Schlemihl à rebours : ce sont des ombres qui ont perdu leur corps. La révolution elle-même paralyse ses propres soutiens et ne loue que ses adversaires d’une véhémence passionnée. Le « spectre rouge » continuellement évoqué par les contre-révolutionnaires finit-il par apparaître, il ne porte pas le bonnet phrygien anarchique, il a revêtu l’uniforme de l’ordre, il porte le pantalon rouge.
Nous l’avons vu : le ministère que Bonaparte le 20 décembre 1848 installa le jour de son élévation était un ministère tiré du parti de l’ordre, un ministère de coalition légitimiste et orléaniste. Le cabinet Barrot-Falloux avait survécu à la Constituante républicaine dont il avait abrégé l’existence plus ou moins violemment et gouvernait toujours. Changarnier, le général des royalistes coalisés, continuait à réunir dans sa personne le commandement en chef de la première division militaire et de la garde nationale de Paris. Les élections générales, enfin, avaient assuré au « parti de l’ordre » une grande majorité dans l’Assemblée nationale. Les députés et les pairs de Louis-Philippe y rencontrèrent une phalange céleste composée de légitimistes auxquels un bon nombre des bulletins de vote de la nation avaient permis de faire leur rentrée sur la scène politique. Les représentants bonapartistes étaient trop clair-semés pour pouvoir former un parti parlementaire indépendant. Ils