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la lutte des classes en france

ligne de démarcation. Bonaparte en même temps s’oppose à la bourgeoisie en qualité de représentant des paysans et du peuple en général. Il veut, au sein de la société bourgeoise, faire le bonheur des classes inférieures. De nouveaux décrets privent par avance les « vrais socialistes » de leur sagesse gouvernementale ; mais Bonaparte se pose avant tout comme chef de la société du 10 décembre, comme représentant de la canaille[1]. Il en fait partie, lui, son « entourage », son gouvernement et son armée. Et pour la canaille il s’agit avant tout de se donner de l’agrément et de tirer du trésor public des lots californiens. Et il s’affirme chef de la société du 10 décembre par décrets, sans décrets et malgré les décrets.

Cette tâche contradictoire de l’homme explique les contradictions de son gouvernement, ses tâtonnements confus, cherchant tantôt à se gagner tantôt à humilier cette classe, puis cette autre, et finissant par les irriter toutes contre lui. Cette incertitude pratique forme un contraste hautement comique avec le style catégorique, impérieux des actes publics, style docilement emprunté à l’oncle.

L’industrie et le commerce, les occupations de la classe moyenne, doivent fleurir comme en serre sous un gouvernement fort ; d’où octroi d’une foule de concessions de lignes de chemins de fer. Mais la canaille bonapartiste doit s’enrichir ; d’où

  1. Lumpenproletariat.