Février. Les classes n’étaient séparées que par un malentendu, et, le 24 février, Lamartine baptisa le gouvernement provisoire : un gouvernement qui suspend ce malentendu terrible qui existe entre les différentes classes[1]. Le prolétariat parisien se grisa de cette généreuse ivresse.
Le gouvernement provisoire, de son côté, une fois placé dans la nécessité de proclamer la République, fit tout pour la rendre acceptable à la bourgeoisie et aux provinces. La Terreur sanglante de la première République fut désavouée par l’abolition de la peine de mort en matière politique. La presse fut ouverte à toutes les opinions. L’armée, les tribunaux, l’administration restèrent, à peu d’exceptions près, entre les mains des anciens dignitaires. On ne demanda de compte à aucun des grands coupables de la monarchie de Juillet. Les républicains bourgeois du National s’amusèrent à changer les noms et les costumes de la monarchie contre ceux de l’ancienne République. Pour eux, la République n’était qu’un nouveau déguisement de l’ancienne société bourgeoise. La jeune République trouvait son principal intérêt à n’intimider personne, ou plutôt à n’épouvanter personne. Par sa souplesse, sa condescendance, par sa faiblesse même, elle cherchait à ménager son existence et à désarmer l’opposition. On annonça hautement aux classes
- ↑ En français dans le texte.