Le gouvernement résolut de rassembler autour de lui, outre la garde mobile, une seconde armée ouvrière, une seconde armée industrielle. Des centaines de mille de travailleurs, jetés sur le pavé par la crise et par la révolution furent enrôlés par le ministre Marie dans ce que l’on a appelé les ateliers nationaux. Ce nom pompeux signifiait seulement que l’on employait les ouvriers à des travaux de terrassement, ennuyeux, monotones et improductifs pour un salaire journalier de 23 sous. C’étaient les work-houses anglais en plein air et rien de plus. Le gouvernement provisoire pensait avoir formé ainsi une seconde armée prolétarienne dirigée contre les ouvriers eux-mêmes. Pour cette fois, la bourgeoisie se trompait sur les ateliers nationaux comme les ouvriers se trompaient sur la garde mobile. La bourgeoisie avait créé l’armée de l’émeute.
Mais on avait ainsi atteint un but.
Les ateliers nationaux, c’était là le nom des entreprises nationales que Louis Blanc préconisait au Luxembourg. Les ateliers de Marie, inventés pour faire directement échec à la commission du travail, donnèrent lieu, par la similitude du titre, à une intrigue, à un malentendu digne de la comédie espagnole. En sous-main, le gouvernement provisoire répandit lui-même le bruit que ces ateliers nationaux étaient de l’invention de Louis Blanc. La chose parut d’autant plus croyable, que le prophète des ateliers nationaux était lui-même