Cette fraction avait fondé la République et elle se montrait surprise de la ressemblance de cette république constituée avec une monarchie restaurée. Elle voulait employer la violence à maintenir la période constituante avec ses conditions, ses illusions, son langage et ses personnages. Elle voulait empêcher la république bourgeoise, arrivée à maturité, de revêtir sa forme parfaite, sa forme propre. Si l’Assemblée nationale constituante représentait Cavaignac qui venait de rentrer dans son sein, Napoléon représentait l’Assemblée législative qu’il n’avait pas encore répudiée ; il représentait l’Assemblée nationale de la république bourgeoise constituée.
L’élection de Bonaparte ne pouvait s’expliquer qu’à la condition de remplacer le nom par tout ce qu’il signifiait, à la condition de se reproduire par l’élection de la nouvelle Assemblée nationale. Le mandat de la Constituante était échu le 10 décembre. Ce qui entrait en conflit, le 29 janvier, ce n’étaient donc pas le président et l’Assemblée de la même République ; c’étaient l’Assemblée de la République en puissance, et le président de la République en acte, deux pouvoirs qui incorporaient deux périodes toutes différentes de l’existence de la République. D’un côté, on rencontrait la petite fraction républicaine de la bourgeoisie, seule capable de proclamer la République, de l’arracher des mains du prolétariat révolutionnaire par la guerre des rues et par la terreur, seule capable de modeler sa constitution