Page:Marx et Engels - Le manifeste communiste, II.djvu/149

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

ne sont pas permanents, mais mobiles ; et un moment vient où ils sont à ce point modifiés qu’ils ne se soutiennent plus.

1o Les économistes bourgeois disent que le capital est du travail accumulé dans le passé pour servir à la production future. Qui ne voit le sophisme ? On définit ainsi la genèse technique de l’outil, non pas son rôle social. « Les économistes nous expliquent comment on produit dans un système de rapports donnés, mais ce qu’ils ne nous expliquent pas, c’est comment ces rapports se produisent. » A-t-on expliqué ce que c’est qu’un esclave nègre quand on l’a défini « un homme de race noire » ? Il n’est esclave que dans un système de relations sociales, qui utilise dans de certaines conditions précises la force productive de l’homme[1]. Pareillement, le capital ne devient ce qu’il est, pouvoir de succion et d’absorption puissante du travail d’autrui, que dans le système des relations bourgeoises.

Être capitaliste, c’est occuper dans ce réseau de relations une certaine situation juridique, dont la force tient, non pas au mérite individuel, mais à toute l’organisation sociale. Quand on propose de « socialiser le capital », on ne propose donc pas qu’une certaine quantité de produits, où se cristallise du travail passé, soit transportée d’un individu à la collectivité. Besogne vaine, si on paissait subsister l’ordre social en vertu duquel ce capital s’incorpore à

  1. Marx. Anti-Proudhon, p. 144. — Lohnarbeit und Kapital, p. 14.