Page:Marx et Engels - Le manifeste communiste, II.djvu/152

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frein, de la concurrence sans limite. Parce que l’échange des marchandises a lieu sans entraves féodales ou corporatives ou douanières, l’ouvrier qui produit ces marchandises sous la férule patronale en est-il moins asservi ?

On objectera que les ouvriers ont aussi la liberté de concourir. Mais concourent-ils avec le bourgeois ? On a vu quelles conditions leur sont faites, dans la répartition du salaire. L’« ouvrier est l’esclave des plus élémentaires besoins », et il n’a pas de garantie qu’ils soient satisfaits. Il n’a de place dans la société que si la bourgeoisie a besoin de lui. Parle-t-on de la concurrence des ouvriers entre eux ? Mais n’est-ce pas elle qui maintient le plus solidement leur condition de salariés misérables (§ 32). Qu’est-ce donc que signifie ce mot abstrait de liberté ? « C’est la liberté qu’a le capital d’écraser le travailleur[1]. » À coup sûr une telle liberté est à supprimer. Les ouvriers déjà y songent. Si, en dernière analyse, « la souveraineté de la bourgeoisie ne se maintient que par la concurrence des ouvriers entre eux », on voit la signification profonde des trade-unions. Elles signifient la résolution parmi les travailleurs de ne plus se laisser acheter et vendre comme des marchandises. « Dans la détermination de la valeur du travail, ils demandent à être traités comme des hommes. » Il est vrai sans doute que ni la loi du salaire, ni surtout la loi des crises, ni dès lors l’existence d’une armée de

  1. Engels. Lage der arbeitenden Klassen, p. 187 sq., 200. — Marx. Discours sur le Libre-échange, p. 287.