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blime de son mari qui devroit concentrer les rayons épars de sa raison pratique, se trouve-t-elle employée à juger de la saveur de quelque vin, de quelque sausse pour mettre sous un poisson estimé ; ou, plus profondément occupé à une table de jeu, le raisonnable époux généralise-t-il ses idées, tandis qu’il risque sa fortune sur une carte, et laisse tous les petits détails de l’éducation à sa compagne, ou au hazard.

Mais en accordant que la Femme doive être belle, naive et innocente, pour que ces qualités la rendent une compagne plus remplie d’attraits, et sur-tout d’indulgence ; — à quoi lui fait-on sacrifier ses qualités intellectuelles ? Où est la nécessité de tous ces préparatifs, qui ne serviront, suivant le calcul même de Rousseau, qu’à en faire, pour très-peu de tems, la maîtresse de son mari ? car personne n’a jamais autant insisté que lui sur la nature passagère de l’amour ; voici comment en parle ce philosophe. « La félicité des sens est passagère ; l’état habituel du cœur y perd toujours l’imagination qui pare ce qu’on désire, l’abandonne dans la