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après le rêve, le réveil

sal. Alors maître Bean alias Lefebvre dont c’est la politique de n’en pas faire, a dû installer une petite table à part, à l’autre extrémité de la salle à manger, et nos deux anglo-saxons y ont continué leur repas tout en roulant de gros yeux dans la direction de l’autre groupe et en maugréant entre eux deux des imprécations d’où ressortent en crescendo des « Frenchmen », « traitors », « murderers », etc.

Chez nos chasseurs, on a déploré cette incartade de Thomas. La consigne est de surveiller sa langue, de ne rien dire ou faire qui puisse attirer l’attention sur eux. Sans doute, il faudra essuyer des affronts, des avanies, mais on doit quand même garder un masque impassible. Le salut est à ce prix. « We must eat crow and smack our lips over it », a dit à Thomas M. Roberts qui n’est pourtant pas le stoïcisme personnifié.

Le repas fini, laissons nos deux Anglais ronger leur frein dans une petite pièce attenante à la salle à manger. Quelques tories de Milton leur servent d’auditoire. Dans la grande salle d’entrée, nos chasseurs ont l’air soucieux. Pourtant le groupe des habitués ordinaires s’y trouve presque au complet et leurs regards cherchent le boute-en-train de la veille, l’intarissable M. Saint-Georges. Celui-ci a l’air songeur, ce matin ; un pli barre son front. Quelque chose l’inquiète, le préoccupe. Il jette un coup d’œil furtif vers la porte du fond. Enfin on le voit s’approcher vers son auditoire de la veille et il leur parle ainsi :

— Mes amis, je suis désolé vraiment d’avoir à vous quitter, mais la journée s’annonce belle et si nous voulons être au lac cette après-midi il est temps de partir. Au reste, nous vous reverrons à notre retour et vous ferons part de notre chasse.

— Chantez-nous quelque chose avant de partir, s’il vous plaît, interrompt l’un d’eux.

— Volontiers, mes amis, mais comme vous n’avez pas d’église ici et que vous n’entendez guère de cantiques, nous chanterons ensemble, si vous le voulez bien, un hymne religieux.