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MES SOUVENIRS

Ce qui fut dit fut fait.

Je rentrai chez moi prendre la partition. Quatre heures et demie sonnaient quand je chantai les dernières mesures de la mort de Manon.

Heilbronn, pendant cette audition, avait été attendrie jusqu’aux larmes. À travers ses pleurs, je l’entendais soupirer : « C’est ma vie… mais c’est ma vie, cela !… »

Cette fois, comme toujours, par la suite, j’avais eu raison d’attendre, de prendre le temps de choisir l’artiste qui devait vivre mon œuvre.

Le lendemain de cette audition, Carvalho signait l’engagement.

L’année suivante, après plus de quatre-vingts représentations consécutives, j’apprenais la mort de Marie Heilbronn !…

… Ah ! qui dira aux artistes combien fidèles nous sommes à leur souvenir, combien nous leur sommes attachés, le chagrin immense que nous apporte le jour de l’éternelle séparation.

Je prêterai arrêter l’ouvrage plutôt que le voir chanté par une autre.

À quelque temps de là, l’Opéra-Comique disparaissait dans les flammes. Manon fut arrêtée pendant dix années. Ce fut la chère et unique Sibyl Sanderson qui reprit l’ouvrage à l’Opéra-Comique. Elle joua la 200°.

Une gloire m’était réservée pour la 500e Ce soir-là, Manon fut chantée par Mme Marguerite Carré. Il y a quelques mois, cette captivante et exquise artiste était acclamée le soir de la 740e représentation.

Qu’on me permette de saluer, en passant, les belles