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MES SOUVENIRS
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Le titre de Jongleur de Notre-Dame, suivi de celui de « miracle en trois actes », me mit dans l’enchantement.

Le caractère, précisément, de ma demeure, vestige survivant de ce même moyen âge, l’ambiance où je me trouvais à Égreville, devait envelopper mon travail de l’atmosphère rêvée.

La partition terminée, c’était l’instant attendu pour en faire part à mon inconnu.

Connaissant enfin son nom et son adresse, je lui écrivis.

On ne pourrait douter de la joie avec laquelle je le fis. L’auteur n’était autre que Maurice Léna, l’ami si dévoué que j’avais connu à Lyon, où il occupait une chaire de philosophie.

Ce bien cher Lena vint donc à Égreville le 14 août 1900. De la petite gare, nous ne fîmes qu’un bond jusqu’à mon logis. Là, dans ma chambre, nous trouvâmes étalées, sur la grande table de travail (table fameuse, je m’en flatte, elle avait appartenu à l’illustre Diderot) les quatre cents pages d’orchestre et la réduction gravée pour piano et chant, du Jongleur de Notre-Dame.

À cette vue, Léna resta interdit. L’émotion la plus délicieuse l’étreignait...

Tous les deux, nous avions vécu heureux dans le travail. L’inconnu, maintenant, se dressait devant nous. Où ? dans quel théâtre allions-nous être joués ?

La journée était radieuse. La nature, avec ses enivrantes senteurs, la blonde saison des champs, les fleurs des prés, cette douce union elle-même qui, dans la production, s’était faite entre nous, tout nous