Page:Masson – Napoléon à Sainte-Hélène.pdf/101

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
83
À BORD DU NORTHUMBERLAND

paiera de sa vie son amour pour sa jeune femme, ni les colonels Baillon et Deschamps qui, remplissant dans le Palais les fonctions de « fourriers », avaient reçu à ce titre, depuis qu’ils étaient sortis comme lieutenants de la Gendarmerie d’élite, un extraordinaire avancement ; ni les chefs d’escadron et capitaines Morin, Saint-Yon, Saint-Jacques, officiers d’ordonnance dans la dernière campagne ; ni le secrétaire Rathery, dont la femme a pourtant accepté une pension de l’Empereur ; à Paris, ils s’étaient présentés, exaltés d’enthousiasme, pour obtenir des passeports : tous les avaient reçus, aucun n’avait rejoint.

Il n’y avait eu pour suivre l’Empereur que ces dix hommes : quinze avec Bertrand, Montholon, Gourgaud et les deux Las Cases ; la plupart avaient obéi à la nécessité, certains, proscrits par les Bourbons ; d’autres, enfants de la balle, ne sachant où se réfugier et s’attachant désespérément à l’épave impériale — bien peu par dévouement pur.

Ce pourquoi la séparation de l’Empereur et de ces hommes avait quelque chose de tragique. Leur dernière chance de salut leur échappait, et le choix qu’avait dû faire l’Empereur des compagnons que le gouvernement anglais l’autorisait à emmener avait été pour les autres une condamnation : pourtant il avait fallu. Des quinze embarqués sur le Bellerophon, les Anglais n’en avaient admis que trois, puis cinq, à le suivre ; et ils avaient nominativement exclu les généraux Savary et Lallemand.