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NAPOLÉON À SAINTE HÉLÈNE

depuis qu’il était de la Maison, connaissait-il des supérieurs ? S’il se laissait aller et qu’il parlât, c’était du mauvais ton déclamatoire ; il se montait, s’exaltait, perdait conscience des mots qu’il prononçait, du lieu où il se trouvait et des gens qui l’entendaient. Cela le mena loin. Il était très capable de travail, pourvu qu’on l’en fournît constamment, qu’il fût tout le temps contraint de s’appliquer à des tâches qui lui parussent utiles en lui procurant des agréments et des honneurs. Son intelligence réelle, mais spécialisée, avait été poussée dans ses travers par l’étude des mathématiques ; par l’esprit artilleur, qui est de critique et de dénigrement, par la rapidité d’un avancement tel qu’il autorisait toutes les ambitions, et que l’arrêt dans un tel essor, la chute d’une telle hauteur lui paraissaient, même en présence de l’Empereur, des attentats de la Destinée. De là, il se trouvait un mécontent. Bon fils et bon frère, il s’inquiétait de sa mère et de sa sœur qui, disait-il, allaient se trouver sans ressources ; il le répétait très souvent. Cela le menait à des comparaisons, des jalousies et des convoitises. Tout lui était sujet d’ombrage, puis de discours, d’insolences et de provocations. Il en souffrait, mais les autres ! Il avait rêvé d’être le compagnon, l’ami, le confident de l’Empereur et au premier rang, tout au plus après Bertrand et à égalité avec lui. Or, déjà Montholon s’interposait avec des formes qui savaient plaire et un ton que Gourgaud ne pouvait