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NAPOLÉON À SAINTE-HÉLÈNE

croire aux discours des souverains alliés, ni qu’ils poussent l’inconscience jusqu’à livrer aux Bourbons contre de vagues promesses, l’armée et la France ; n’imaginant point que certains de ces hommes se flattent de devenir, dans la révolution imminente, les indispensables modérateurs et les conciliateurs nécessaires. Napoléon n’attend-il pas que, dans l’extrême péril où se trouve la nation, un souffle de patriotisme passe sur des hommes qui, tels que Carnot, Quinette et Fouché ont siégé à la Montagne, ou comme Caulaincourt et Grenier, ont constamment servi la Révolution ; qu’ils viennent à lui, comme au libérateur et que, dans l’unanime acclamation des citoyens et des soldats, ils lui défèrent le commandement suprême ? Tout de suite après l’abdication, il était sincère dans son projet de partir pour les États-Unis ; il était sincère lorsqu’il demandait des passeports anglais et s’inquiétait du mobilier nécessaire à une maison de ville et une de campagne ; mais était-il aussi sincère lorsque, pour éviter ou retarder son départ, il a prétexté le maintien ou le retrait de cet article V ? Un coup de chance qui se présente et il est prêt à le jouer — et seul il peut le jouer. Or le coup s’offre. Poussée par la hâte furieuse de Blücher, l’armée prussienne s’est séparée de l’anglaise : l’une comme l’autre plus éprouvée que la française. Rassemblée sous Paris, en nombre qui étonne, celle-ci forme une masse dont le patriotisme n’a pas été atteint, dont la valeur est intacte