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NAPOLÉON À SAINTE-HÉLÈNE

saisît la primeur. Il en faisait maculer la première page de son cachet impérial, il y faisait écrire son nom : L’Empereur Napoléon. Comme jadis d’un royaume, il prenait possession de ces brochures, qui lui devenaient précieuses comme des conquêtes. N’était-il point question, à chaque page, de ce qu’il avait fait ? Quiconque écrivait et imprimait en Europe ne prononçait-il pas son nom ? Qu’importait que quelque Anglais eût imaginé de le rayer du vocabulaire de l’Humanité ? Lowe ne pouvait couper toutes les pages où était imprimé le nom de Napoléon, ces livres étant envoyés par le ministre ! Il prit sa revanche quand un volume arriva envoyé par un particulier : et quel ? — un membre de l’opposition libérale, M. Hobhouse. Il avait adressé à Lowe, pour être remis à l’Empereur, un exemplaire de son ouvrage : The Last Reign of the Emperor Napoleon ; cet exemplaire, honorablement relié, portait sur le plat une assez longue inscription débutant par : À Napoléon le Grand, et, à la première page, M. Hobhouse avait transcrit une phrase de Tacite. Sous prétexte que M. Hobhouse s’en était rapporté à ses bons soins, Sir Hudson Lowe, qui était amateur, s’empara du livre, le plaça au milieu des siens, l’emporta plus tard en Angleterre ; mais, lorsqu’il vendit sa bibliothèque, ne se souciant point qu’on trouvât la preuve de son larcin, il l’excepta du marché, et ce fut à la suite de circonstances romanesques qu’un amateur bien connu en fit l’acquisition.