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NAPOLÉON À SAINTE-HÉLÈNE

la pension ne fût compromise, entra dans une terrible colère. Loin de témoigner à l’Empereur la moindre gratitude, il sembla prendre à tâche, depuis lors, de rendre sa présence de plus en plus insupportable. À entendre ses discours, il mettait au compte de Napoléon aussi bien ses ambitions déçues que les privations — à coup sûr médiocrement cruelles — qu’il éprouvait et dont il ne se lassait de se plaindre : « Sa pauvre mère ! Sa pauvre sœur ! Le pauvre Gourgaud ! » Et on ne le respectait pas, et on le traitait mal, et on ne lui servait pas tous les plats auxquels il avait droit, et surtout on ne le fournissait point de femmes ; et cette question amenait entre l’Empereur et lui des discussions qui eussent paru à Napoléon lui-même d’un ridicule achevé, n’était le ton de violence que l’autre y mettait et qui prouvait assez comme il était l’esclave de son tempérament. Par là, son caractère était rendu intolérable et son intelligence était obscurcie. Bertrand, Montholon, Lowe avaient leurs femmes ; les domestiques trouvaient des maîtresses et, s’il le fallait, allaient jusqu’à épouser. Gourgaud chassait désespérément et tout gibier lui eût paru bon, mais il n’attrapait rien.

Autre sujet de controverse avec l’Empereur : ses rapports avec le gouverneur. Gourgaud avait eu soin de se tenir constamment avec lui dans des termes de courtoisie déférente. Tandis que Lowe considérait Bertrand comme l’homme qui excitait