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NAPOLÉON À SAINTE-HÉLÈNE

verneur, il suivait exactement les ordres de l’empereur, sans que jamais, par des démarches clandestines, il tentât de séparer la personnalité du Grand maréchal de celle du comte Bertrand. S’il répugnait à transmettre des récriminations sur la vie matérielle qui lui paraissaient peu dignes de son maître et qu’inspirait à d’autres leur goût du confort, nul doute qu’il ne fût d’avis des protestations lorsque la dignité de l’Empereur était en jeu, et qu’il ne fût pour en élever le ton plutôt que pour l’abaisser. Un officier tel que lui, qui avait pris une part glorieuse aux plus étonnantes victoires de l’armée française, qui avait été gouverneur général d’une grande province, qui avait commandé des corps d’armée, ne pouvait manquer de regarder de haut un officier tel que Lowe, et il ne lui cédait rien. Bertrand n’était point agréable, il ne savait point se rendre courtisan, mais il était vrai et droit ; seul il servait par devoir et non par intérêt ; seul il considérait l’honneur préférablement au plaisir de vivre, aux agréments de la société et à toutes les aisances qu’on eût pu obtenir, moyennant qu’on portât l’Empereur à des concessions qui, par une pente insensible, l’eussent amené à une suprême et définitive déchéance.

Mais le général Bertrand avait charge d’âmes. Qu’il sacrifiât sa vie à l’Empereur, c’était son devoir, mais avait-il le droit d’y sacrifier sa femme et ses enfants ? Ceux-ci n’avaient, à Sainte-Hélène, aucun moyen d’éducation, ni professeurs, ni livres.