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NAPOLÉON À SAINTE-HÉLÈNE

point laisser sortir de l’île la dépouille mortelle du général Buonaparte, mais qu’il lui est indifférent qu’elle soit dans tel ou tel lieu ». L’Empereur a prévu le cas : cette suprême persécution des Anglais, la captivité infligée à son cadavre ; à défaut des « Rives de la Seine », de l’île près de Lyon, de la cathédrale d’Ajaccio, il a désigné la Vallée du Géranium, la Fontaine Torbet.

Il n’y est pourtant venu qu’une seule fois, dans les premiers temps de son séjour à Longwood. Un soir qu’il avait été à Hut’s Gate, il descendit assez difficilement dans la vallée qui se creusait au-devant, et il parvint à un petit plateau d’où l’on apercevait la mer. Trois saules, au pied desquels coulait une source fraîche, donnaient à ce coin de l’île un air de mélancolie française. Il goûta l’eau de la source et la trouva excellente ; mais il se faisait tard, et il craignait de n’avoir plus assez de jour pour remonter ; il dit à Las Cases d’entrer chez le docteur Kay, qui avait sa maison à côté, et de faire connaissance avec lui. Désormais, tous les jours, un Chinois vint prendre à la source l’eau que buvait l’Empereur. Plus tard, comme il craignait qu’on ne lui changeât son eau, il envoya Archambault la chercher dans ses flacons de campagne. En remontant, il avait dit à Bertrand : « Bertrand, si, après ma mort, mon corps reste entre les mains de mes ennemis, vous le déposerez ici. » Il l’avait répété durant sa maladie ; le gouverneur s’inclina devant cette volonté ; mais, de même qu’il s’était opposé àl’embaume-