Page:Masson - La Religion de J. J. Rousseau, t2, 1916.djvu/234

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du « philosophisme ». Le voyant des Dialogues et des Rêveries se représente maintenant les « philosophes » comme une « ligue » hypocrite, trop connue de Jean-Jacques, dont quelques « Messieurs » dirigent le travail souterrain de démolition, — comme une confrérie d'initiés, de plus en plus insolente et audacieuse, qui pare ses bannières des noms de « nature » et de « raison », mais qui, sous ce couvert honorable, ne vise qu'à ruiner dans les âmes toute bonne croyance, à y installer impérieusement l'athéisme, et, en attendant le succès imminent, à concentrer toutes ses puissances de haine sur l' unique serviteur de Dieu, sur Jean-Jacques Rousseau. Ces ligueurs de la « secte philosophique », plus intolérants que tous les gens d'Église, visent comme eux à la domination universelle. « Ils ont fait adopter à leurs sectateurs les principes les plus propres à se les tenir inviolablement attachés, quelque usage qu'ils en veuillent faire; et. pour empêcher que les directions d'une importune morale ne vinssent contrarier les leurs, ils l'ont sapée par la base, en détruisant toute religion, tout libre arbitre, par conséquent tout remords, d'abord avec quelque précaution, par la secrète prédication de leur doctrine, et ensuite tout ouvertement, lorsqu'ils n'ont plus eu de puissance réprimante à craindre. En paraissant prendre le contre-pied des jésuites, ils ont tendu néanmoins au même but par des routes détournées, en se faisant comme eux chefs de parti. Les jésuites se rendaient tout-puissants en exerçant l'autorité divine sur les consciences, et se faisant, au nom de Dieu, les arbitres du bien et du mal; les philosophes, ne pouvant usurper la même autorité, se sont appliqués à la détruire; et puis, en paraissant expliquer la nature à leurs habiles sectateurs, et s'en faisant les suprêmes interprètes, ils se sont établi, en son nom, une autorité non moins absolue que celle de leurs ennemis, quoiqu'elle paraisse libre et ne régner sur les volontés que par la raison ». De cette nouvelle Compagnie de Jésus, aussi despotique que l'ancienne, mais plus adroite, « l'intolérance, plus cachée et non moins