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LA FÉCONDITÉ DES UNIONS

sion décroît, mais sa femme lui donne cependant six enfants[1]. Citerai-je encore les douze enfants de Jean de la Croix, greffier des rôles à Thoigné durant la majeure partie du xviie siècle[2] ; les six enfants de Gauche Guillaume dont un fils, avocat du fisc à Château-du-Loir, continua sa postérité avec cinq enfants et dont un petit-fils, mort en 1607, perpétua le nom avec sept héritiers[3]. Dans un ménage uni, la femme se croyait tenue de mettre chaque année un enfant au monde. Mariée le 14 juillet 1708 à Pierre de Ghaisne de Classé[4], Anne-Marguerite Legendre eut son premier enfant le 2 avril 1709 et le dixième le 21 avril 1723. Dix, douze, quinze naissances n’effarent point les femmes ; au xviie siècle, Esther Favereau, de Cognac, donne dix enfants à Philippe de Castaigne[5]. À l’un de leurs héritiers, Philippe, Françoise de la Fonte en donnera sept.

La femme, au demeurant, comptait peu pour nos aïeux ; elle est épousée pour « procréer lignée » ou fournir « délectation »[6], le mari use et abuse de la santé de sa femme sans ménagement. En général, on se marie jeune et beaucoup de mères restent veuves à moins de trente ans ; elles ont charge de l’éducation d’une nombreuse famille. Françoise du Bec, mère de Philippe de Mornay, mariée à seize ans, veuve à vingt-neuf, avait eu six fils et quatre filles en treize années[7]. Des exemples semblables sont fréquents aux temps passés. Si, par suite de fatigues ou de maladie, la femme vient à disparaître avant d’avoir donné suffisante lignée au père, celui-ci se remarie une deuxième, puis une troisième fois, si besoin est. Ces quelques considérations expliquent le nombre parfois fabuleux de naissances ; lorsque Dubuisson Aubenay parcourt la Bretagne, il visite à Rennes la présidente de Marbeuf « qui a eu trente-deux enfants, son mary

  1. Abbé Denis, Histoire généalogique de la famille de Sallaines. Laval, 1901.
  2. Georges Lafleur, Une vieille famille du Maine du XVe siècle à nos jours. Mamers, 1911.
  3. René Chauvigny, La famille Gaucher, s. I., 1875.
  4. G. Esnault, Livre-Journal de Pierre de Ghaisne, conseiller au siège présidial du Mans (1708-1732). Le Mans, 1883.
  5. Castaigne, La famille Castaigne. Angoulême, 1866.
  6. P. de Vaissière, Gentilshommes campagnards de l’ancienne France. Paris, 1903, p. 146-148.
  7. Mémoires de Madame de Mornay, édition de la Société d’histoire de France, p. 13.